Wednesday 24 February 2016

Entrevues - Andrew Hurst


Chef de programme, TTI
CRDI, Canada


Q : Qu’entend-on par répercussions sur les politiques, selon vous ?

Ma compréhension des répercussions sur les politiques est assez large. Dans le cadre de notre travail, nous avons tendance à supposer qu’on entend politiques publiques lorsqu’on parle de politiques, ce qui délimite un certain domaine de responsabilité qui a été attribué aux gouvernements au nom de leurs citoyens. Dans ce sens, les répercussions pourraient comprendre influencer la façon dont un enjeu politique est formulé, présenter les options politiques qui s’offrent au gouvernement, mettre en œuvre une politique ou une série de politiques, ou aider à évaluer l’efficacité de cette politique à réaliser ses résultats prévus. Toutefois, je pense également aux répercussions sur les autres acteurs sociaux dont les décisions et les comportements ont des conséquences – voulues ou non – sur les enjeux sociaux, politiques, économiques et environnementaux. Ici, je pense notamment aux entreprises privées, aux organisations de la société civile et même aux individus. Bien qu’il soit possible qu’il n’y ait pas de « politique privée » reconnaissable, un chercheur pourrait néanmoins déterminer si ses recherches ont eu des répercussions sur les fins qu’une politique publique aurait. Par exemple, travailler pour modifier la façon dont les entreprises tiennent compte des droits des travailleurs dans les chaînes de valeur mondiales, ou chercher à influencer les attitudes et les comportements des hommes à l’égard de la violence faite aux femmes. Ce dernier exemple peut ne pas être perçu comme des « répercussions sur les politiques » au premier abord. Toutefois, je dirais que cela devrait, parce que même dans le domaine privé (comme les ménages), il y a des enjeux d’intérêt public (comme les droits des femmes). Finalement, j’essaie de penser à la façon dont la recherche peut contribuer de manière constructive à régler les problèmes socio-économiques, politiques ou environnementaux. 

Q : À votre avis, quels devraient être les paramètres selon la perspective du bailleur de fonds ?

Cela dépend en grande partie du bailleur de fonds. Certains, particulièrement les bailleurs de fonds bilatéraux, sont plus intéressés par les répercussions en aval. Il en est ainsi parce qu’ils sont intéressés par les changements et comment les amener (ne l’est-on pas tous ?), mais également parce qu’ils sont soumis à une pression énorme pour démontrer l’optimisation de l’argent des contribuables qu’ils dépensent. Selon moi, cela a eu pour effet de restreindre ce qu’on considère comme des répercussions, tout en augmentant les attentes à l’égard de la recherche et de sa capacité à contribuer à ces répercussions. Les autres bailleurs de fonds dont les responsabilités sont différentes (par exemple les grandes fondations privées) peuvent se permettre une vision plus large des répercussions. Toutefois, cela varie encore d’un bailleur de fonds à l’autre. 

Q : Quels sont les exemples novateurs que vous avez observés dans des institutions ayant eu des répercussions sur les politiques ?

Il y en a tellement que je suis toujours réticent à n’en souligner qu’un ou deux. Notre site Web présente de nombreux Récits d’influence qui montrent comment les organisations appuyées par l’ITT – y compris le CSTEP – font une différence et contribuent à des changements sociaux positifs. Au lieu d’exemples précis, je vais mentionner une approche novatrice : la recherche qui tient compte des questions d’intégrité et de légitimité de la recherche. Cela signifie normalement solliciter la participation active des personnes ayant un intérêt par rapport au processus de recherche. Le CRDI considère les approches qui tiennent compte de ces aspects comme étant essentielles à la production de recherches de qualité. Bien que ces approches concernant la recherche ne soient pas nécessairement novatrices dans le sens où ce sont de nouvelles approches sur le plan conceptuel, elles sont trop souvent négligées, malgré qu’elles puissent avoir un effet considérable sur la probabilité que les résultats de la recherche auront des répercussions. 

Q : Quelles sont les occasions latentes de répercussions sur les politiques que pourraient avoir les institutions ? 

Les nouvelles technologies numériques ont réellement fait exploser le processus d’élaboration des politiques traditionnel et formel. Ces technologies facilitent l’accès aux idées, accélèrent les attentes des citoyens et des consommateurs, favorisent la réactivité à ces attentes, changent la nature de la production et de la consommation, et modifient les relations sociales à bien des égards. Je crois que dans ces circonstances changeantes, il y a des possibilités intéressantes d’influence à explorer. Par exemple, se servir de ces technologies pour la communication et la sensibilisation (ça se fait déjà, mais pourrait se faire à plus grande échelle), les utiliser dans le cadre du processus de recherche (p. ex. la collecte de données par production participative), ou même considérer ces changements comme des sujets de recherche pertinents aux politiques (p. ex. trouver des façons de donner l’accès à Internet aux plus de 60 % des ménages qui, selon l’Union internationale des télécommunications, n’y ont pas accès, et encore plus important, déterminer ce que pourrait permettre un tel accès).

Q : Avez-vous des commentaires sur la nature de l’environnement qui fait en sorte qu’il soit propice pour les institutions ou les organisations d’avoir des répercussions sur les politiques ? 

De toute évidence, le contexte est important  (http://www.thinktankinitiative.org/news/context-study-linking-think-tank-performance-decisions-and-context), mais comme il a déjà été noté, il s’agit d’un énoncé plutôt incontestable et inutile (http://onthinktanks.org/2015/04/20/context-matters-so-what/). De plus, votre réponse à cette question dépend beaucoup de votre organisation, de votre place au sein de celle-ci, et de ce que signifie le contexte pour vous. Toutefois, je vais proposer deux idées par rapport à votre question, qui proviennent de mon expérience antérieure en tant que responsable des politiques.
D’abord, il est essentiel de reconnaître la nature sociale du contexte et l’importance des relations personnelles dans celui-ci. Les organisations oeuvrent dans un environnement social, à savoir des milieux qui sont constitués par des relations sociales de tous genres qui sont assujetties à tout un éventail de normes et de valeurs sociales qui se chevauchent. Il est essentiel d’établir des relations cordiales et professionnelles à un niveau personnel avec les individus que les organisations tentent d’influencer pour bâtir la confiance, qui joue un rôle central dans l’efficacité des communications. Des recherches opportunes de qualité sont importantes, mais je suis d’avis qu’avoir un lien de confiance avec le public visé aide à accélérer le processus d’influence. Il y a des risques évidemment – la cooptation étant le plus dangereux – mais ils sont gérables. De plus, comme les milieux sociaux où oeuvrent les organisations ne sont pas fixés, ce que font les organisations, et la façon dont elles le font, peuvent en fait aider à améliorer les relations sociales existantes, ou même contribuer à établir de nouvelles relations. Ces résultats seront complémentaires aux résultats recherchés par les extrants de recherche, mais je dirais que le pouvoir qui découle de la façon dont une organisation est socialement intégrée devrait vraiment être pris en considération lorsqu’on détermine l’approche et l’objectif organisationnels. Établir et renforcer des réseaux personnels significatifs et diversifiés font partie intégrante de ce processus.
Ma deuxième pensée sur le contexte est l’occasion qui provient des « moments perturbateurs ». La plupart du temps, il s’agirait d’un événement imprévu qui crée une ouverture pour que des bonnes idées fondées sur des preuves fassent leur chemin. L’effondrement du Rana Plaza à Dhaka en 2013 et les séquelles en sont un exemple. Le Centre for Policy Dialogue, par le biais de son initiative de la société civile par rapport à l’effondrement du Rana Plaza, n’a pas seulement renforcé les mesures pour soutenir la surveillance par la société civile des promesses de soutien faites aux victimes, mais a réussi à profiter du moment pour élargir la  conversation avec le gouvernement et les acteurs du secteur privé pour trouver de meilleures façons de garantir la sécurité du milieu de travail et la conformité aux droits des travailleurs dans le secteur des vêtements au Bangladesh. 
Ces idées sont vraisemblablement bien connues de ceux qui gèrent les Think Tanks, et je n’ai donc pas l’impression qu’il n’y a rien de nouveau. Toutefois, dans la mesure où l’information pourrait être généralisée, il pourrait en être ainsi : il faut être proactif dans le façonnement des éléments de votre environnement sous votre contrôle, et être prêt à tirer parti du moment lorsque des influences hors de votre contrôle créent des ouvertures pour vous.

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