Prof. Diagne Abdoulaye
Director CRES
Six millions de personnes meurent en raison de la consommation du tabac, et cinq millions de personnes sont touchées par des maladies liées au tabac (cancer, maladies cardiovasculaires, diabète, etc.). De plus, 80 % des fumeurs qui habitent dans des pays pauvres ou de classe moyenne dépensent leurs ressources financières dans le tabac plutôt que de satisfaire à leurs besoins de base, comme l’alimentation, l’éducation et les soins de santé. Ces raisons, entre autres, expliquent pourquoi le Consortium pour la recherche économique et sociale (CRES) a décidé de se joindre aux efforts de la lutte contre le tabagisme à l’échelle mondiale, particulièrement en Afrique.
Avant 2013, le Sénégal ne disposait d’aucune loi sur le tabagisme, malgré la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) et le fait que cette Convention-cadre ait été ratifiée en 2005. Afin de remédier à ce manque de cadre juridique concernant le tabac, le CRES a décidé en 2010 d’aider le ministère de la Santé en établissant une équipe pluridisciplinaire composée d’avocats et de militants qui ont développé un projet de loi relatif à la réglementation de la production, de la consommation et de la distribution du tabac. Pour y arriver, le CRES a collaboré avec des conseillers juridiques et le ministère de la Santé pendant tout le processus de rédaction, et a également inclus des membres du gouvernement et certains leaders religieux très influents au Sénégal. Cette initiative a renforcé le lien entre les associations de la société civile du Sénégal, qui ont créé la Ligue sénégalaise contre le tabac (LISTAB). Cette fédération d’associations a mené des campagnes importantes de sensibilisation et de lobbying pour l’adoption d’une loi concernant l’utilisation et la production du tabac. Cette stratégie a porté ses fruits et a donné lieu à l’adoption d’un projet de loi par le gouvernement en juillet 2013 et par les parlementaires en mars 2014.
Bien qu’il travaillait à l’échelle nationale et qu’il savait que la taxation des produits du tabac était la façon la plus efficace de réduire la consommation de tabac, le CRES tenait également à contribuer à la protection de millions de personnes en modifiant les directives régionales concernant la taxation des produits du tabac. À cet égard, le CRES a d’abord fait appel à des chercheurs, à des statisticiens, et à des employés fiscaux et douaniers pour composer 15 équipes nationales et rédiger 15 profils de pays nationaux sur les aspects économiques du tabagisme et les politiques de taxation nationales, y compris des recommandations pour le renforcement des systèmes fiscaux. La prochaine étape consistait à rédiger un document de sensibilisation qui rassemblait toutes les données internationales qui justifiaient cette réforme, et de le soumettre aux décideurs nationaux et régionaux.
Un autre aspect de la politique du CRES pour influencer la stratégie consistait à appuyer la communication entre les chercheurs, les militants antitabac et les responsables des politiques, en organisant trois conférences régionales où ils faisaient part des résultats de leurs recherches et de leurs points de vue, et où ils ont pu réfléchir ensemble pour établir une solution pour une politique fiscale à des fins de santé. Pendant la dernière conférence régionale, le représentant du parlement régional a signé une déclaration officielle, la « Declaration of Abdijan », qui soulignait le besoin impérieux d’adopter de nouvelles façons pour freiner la croissance de la pandémie. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les ministères des Finances et de la Santé, en collaboration avec des associations de la société civile et des organisations internationales ont rédigé les directives régionales provisoires qui ont été officielles soumises aux deux unions régionales ouest-africaines (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [CEDEAO] et Union économique et monétaire ouest-africaine [UEMOA]). Les deux organisations régionales se sont servies de ce document pour convoquer une réunion technique sur ce sujet, et travaillent actuellement à la mise en place de réformes concernant les taxes sur le tabac liées aux politiques régionales. Au même moment, les pays ouest-africains ont modifié leurs politiques de taxation du tabac.
Une telle décision aura un impact majeur sur la réduction de la prévalence de la morbidité, de la mortalité et des coûts de santé publique liés au tabagisme dans les pays ouest-africains. En raison de ce projet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a remis un prix au CRES.
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